Shanghai, 4 novembre 2015
1. Présentation
La Fundació Gala‐Salvador Dalí a le plaisir de vous annoncer que l’exposition temporaire Media Dalí a été inaugurée le 4 novembre au Shanghai Chi K11 Art Space situé dans l’Art Mall’s B3 de Shanghai. Y sont intervenus Montse Aguer, commissaire de l’exposition et directrice du Centre d’études daliniennes, Hsu Fenlan, commissaire associée, Joan Manuel Sevillano, administrateur de la Fondation Dalí, Adrian Cheng, fondateur et président d’honneur de la K11 Art Foundation, et Manuel Valencia Alonso, ambassadeur d’Espagne en Chine. Lors de cette cérémonie, très concourue, étaient présents Rodrigo Aguirre de Cárcer, consul général d’Espagne à Shanghai, et Inma González Puy, directrice de l’Instituto Cervantes en Chine, ainsi qu’une délégation nourrie du gouvernement provincial de Shanghai.
L’exposition durera jusqu’au 15 février 2016. C’est la première fois que la Fondation Dalí exporte une exposition de recherche à Shanghai, en l’occurrence sur la relation de l’artiste avec les médias. En 2001, une rétrospective avait été organisée au Shanghai Art Museum, sous le titre Dalí : a genius of the 20th century.
Pour se positionner en Asie, la Fondation vient d’étrenner un site web totalement adapté au public chinois : http://www.salvadordalimuseum.cn/. L’objectif est de devenir la référence dalinienne, tout en facilitant un accès immédiat à ce qui s’écrira par la suite sur Dalí, Gala et les trois musées, ainsi que sur la mission et l’activité de la Fondation que l’artiste lui-même créa de son vivant.
2. Concept et contenu
L’exposition Media Dalí comprend 250 pièces : 12 peintures et 2 dessins originaux de Salvador Dalí, 205 revues, quotidiens d’époque et annonces publicitaires, et 30 objets provenant de l’atelier de l’artiste.
Variée et très étendue, la collaboration de Salvador Dalí avec le monde des revues et de la presse écrite a déjà été traitée en partie en 2004 lors de l’exposition novatrice Dalí. Culture de masses et nous a semblé être un thème d’analyse intéressant pour l’exposition de Shanghai. Dalí ne se limite pas à écrire des articles, il réalise également des couvertures et des annonces publicitaires, illustre ses propres textes ou ceux d’autres auteurs. De plus, il recourt à la presse, sous forme de collages, et aussi en tant que source d’inspiration : une couverture, une image, un texte paru dans la presse peuvent être transformés, et certains le sont d’ailleurs, en une autre image, en une autre lecture, et devenir son œuvre. Toute cette activité l’amène, à différents moments de sa vie, à concevoir des pages, et même une publication entière, le Dali News.
Dalí débute ses collaborations dans la presse en 1919, avec des articles consacrés aux grands maîtres de l’Histoire de l’Art (Goya, El Greco, Dürer, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Vélasquez), articles que publie Studium, la revue du lycée de Figueres, sa ville natale ; puis avec des textes par lesquels il définit son esthétique ou l’évolution que suit sa carrière, parus entre 1927 et 1929 dans des publications comme L’Amic de les Arts, La Gaceta Literaria, La Nau et La Publicitat. Il commence alors à illustrer ses propres textes tout comme ceux d’autres auteurs. Outre cela, soulignons son implication, avec Sebastian Gasch et Lluís Montanyà, lors de la rédaction et de la confection du Manifeste jaune, en 1928, ou encore à l’occasion du dernier numéro de L’Amic de les Arts, en 1929, où sa collaboration est décisive à tous égards, aussi bien conceptuels que formels.
Dans les années 30, il intègre le groupe surréaliste et en devient aussitôt le principal agitateur et presque la tête de proue, au point même de déclarer lors d’un entretien : « Le surréalisme, c’est moi ». Il joue un rôle décisif dans les revues publiées par ce collectif, comme Le Surréalisme au service de la révolution ou Le Minotaure. Dans la première, il publie des articles très importants comme « L’âne pourri, à Gala Éluard », en juillet 1930, « Rêverie », en décembre 1931, ou « Objets psycho-atmosphériques anamorphiques », en mai 1933. Dans la deuxième, il dessine une des couvertures, réalise des illustrations et écrit des textes essentiels pour son œuvre et sa trajectoire, comme « Interprétation paranoïaque-critique de l’image obsédante », « L’Angélus de Millet » et « Le Phénomène de l’extase », en 1933, ou encore « Le phénomène spectral de l’éternel féminin préraphaélite », en 1936, pour n’en citer que quelques-uns. Il faut aussi souligner sa collaboration à Cahiers d’art, avec des textes comme « Les pantoufles de Picasso », en 1935, ou « Honneur à l’objet », en 1936. Cette décennie est également celle des premiers voyages aux États-Unis, où il collabore bien vite avec la presse américaine. De bons exemples en sont les deux couvertures, « Social Life by Dalí », du 9 janvier 1938, et « Industrial Life by Dalí », du 16 janvier 1938, de la revue The American Weekly, et la série de sept articles qu’il y publie, aux titres tout à fait explicites : « Written by a Madman - Illustrated by a "Super-Realist" », du 16 décembre 1934 ; « New York as seen by the "super-realist" artist M. Dalí », du 24 février 1935 ; « How super-realist Dalí saw Broadway », du 17 mars 1935 ; « The American City night and day by Dalí », du 31 mars 1935 ; « American Country Life interpreted by M. Dalí », du 24 avril 1935 ; « Gangsterism and Goofy visions of New York », du 19 mai 1935 ; ou encore « Crazy movie scenario of M. Dalí, the Super-Realist », du 7 juillet 1935.
Une fois installé en Amérique, où il réside sans interruption de 1940 à 1948, Dalí reçoit plusieurs commandes d’annonces, de couvertures, d’articles d’opinion et d’illustrations de textes, lesquels paraissent dans les revues et les quotidiens les plus influents en termes de culture de masse, comme Vogue, Town & Country, Life, Script, American Fabrics ou Nugget. La revue Script lui commande la série « Surrealist Hollywood » qui reflète la perception qu’a l’artiste de plusieurs villes américaines, ainsi que ses impressions quant à l’ère atomique. En donnant vie à ce qu’il imagine, Dalí matérialise les visions d’un monde où règne une énergie atomique sans contrôle, et d’autres où un tel contrôle existe. Toutes ces interventions lui serviront de base et d’exercice pour concevoir, à la fois sur le plan conceptuel que sur le plan formel, un journal, le Dali News, dont deux numéros seront publiés, en 1945 et 1947, à l’occasion de deux expositions à la Bignou Gallery de New York, Dalí en étant tour à tour le directeur, l’éditeur, le rédacteur et l’illustrateur. L’éditorial est entièrement consacré à une déclaration de principes. Il crée un journal où on ne parlera que de lui et de son univers. De surcroît, il ne laisse pas planer le doute sur sa position : « Et, s’il est certain que j’aime la publicité, pour mille et une raisons, toutes plus respectables les unes et les autres, on ne peut nier que la publicité m’aime avec une passion encore plus violente que la mienne ». Un grand propagandiste de lui-même.
Son activité se diversifie lors de cette étape américaine durant laquelle Dalí est omniprésent dans les revues : lui-même, comme personnage et représentant d’une manière de faire et d’être - extravagant, tel qu’il se définit en général -, mais également son œuvre. C’est durant ces années que se consolide l’image de l’artiste qu’il a lui-même construite. La presse en fait le leader du surréalisme, le prophète de l’inconscient, du monde des rêves et de l’imagination, l’inventeur de la méthode paranoïaque-critique, l’homme libre de penser tout, y compris l’impensable. Tout en l’associant avec son époque, on le définit comme un représentant de son temps, ayant de l’influence sur le goût contemporain. Peu de critiques à cette époque analysent sérieusement l’évolution de son œuvre. Dalí est déjà une icône. En ce sens, la réflexion avancée par Alain Jouffroy en 1957 dans la revue Nugget ne manque pas d’intérêt : « Malgré cet irritant mélange d’audace, de génie, de conformisme et de vanité… Dalí évite à certaines valeurs de se laisser emporter par le flux : on en rirait moins si, en l’écoutant, on se rappelait que chacune de ses bouffonneries met directement le doigt dans la plaie de notre histoire ».
Les adjectifs qu’on lui applique sont infinis et tous du même ordre : satirique, étrange, provocateur, mystérieux, audacieux, excentrique et, comme de bien entendu, génial. De la même façon, quand il est question de son œuvre, les clichés sont légion : montres molles, espaces vides, perspectives, femmes disséquées, écorchés,… qui expriment la solitude, le vide, le mystère, la fantaisie. En définitive, on parle toujours de Salvador Dalí comme de l’artiste créateur de mondes qui en appellent à notre subconscient et qui fait sans cesse preuve d’une imagination incarnée dans la vie et libérée des clichés du passé. Bien souvent, dans la presse américaine de l’époque, les extravagances de tout genre sont automatiquement qualifiées de « dalineries ».
Pour saisir ce qu’il en est de la complicité de Dalí avec la culture de masses, un élément significatif à prendre en compte est son intervention dans le monde de la publicité. La mode et les accessoires, les parfums, les bijoux, les articles de luxe en général, voitures comprises, sont les domaines pour lesquels sa collaboration et l’utilisation de son nom sont le plus sollicitées. Dans le même esprit, il faut souligner sa campagne de 1944 à 1947 pour les bas Bryans, où sont utilisés plusieurs qualificatifs faisant allusion à l’œuvre de Dalí et à ce que Dalí lui-même signifie : passionnant, provocateur. Le nom de Dalí est choisi pour impressionner les consommateurs, grâce à une campagne publicitaire provocatrice, qui fait grimper les ventes, exemple de plus de la fétichisation du personnage : « Construire le nom. Afin d’impressionner les clients, au moins par le nom, Beautiful Bryans a commandé à Salvador Dalí une série d’illustrations exclusives d’annonces à paraître dans Harper’s Bazaar, Town & Country et Vogue ». Tout aussi éloquent est le numéro 1 de la revue Status, d’octobre 1965, dont la couverture a été «peinte expressément » par Dalí, et où, de plus, dans un bulletin de souscription, il est dit sans ambages : « Vous avez vu Salvador Dalí sur la couverture ? Vous croyez savoir comment sera Status ? Même Igor Cassini n’en sait rien. Et pourtant c’est lui l’éditeur. Tout ce qu’on sait, c’est que quelque chose d’émouvant, de différent et dont on parlera paraîtra dans Status. Abonnez-vous. Jamais aucun Status ne sera semblable au précédent ».
Dalí continuera de collaborer à des publications américaines (Vogue ou les écrits parus dans Art News pendant 10 ans) et également dans la presse française (Connaissance des arts, La Table ronde ou La Parisienne) et espagnole (El Noticiero Universal, La Vanguardia Española ou Los Sitios). L’intérêt de Dalí pour cet univers ne faiblit pas au cours des années : en 1971, à l’occasion du 50e anniversaire de la revue Vogue - intitulée par lui Vogué - France, un numéro spécial consacré, tout comme l’artiste lui-même le précise, à glorifier le culte de sa personnalité et de celle de Gala. Les dernières collaborations avec la presse se trouvent dans le quotidien El País, avec les articles « El buitre de Leonardo y el "Ictíneo" » (Le vautour de Leonardo et « l’Ictineo »), le 11 février 1985, et « Monturiol y Bellini, los dos aún en el fondo del mar » (Monturiol et Bellini, tous deux encore au fond de la mer), le 17 février 1985 ; et dans un autre quotidien, l’ABC, « Laudatorios », le 24 juin 1985.
L’artiste et son œuvre sont l’objet de couvertures des revues les plus connues, et l’une de ses huiles emblématiques, le Christ de Saint-Jean de la Croix, devient la peinture la plus fréquemment reproduite. Quant à Dalí, on peut le voir jouer avec son image, omniprésente et construite, une image née avec la photographie prise par Man Ray, publiée à la une du Time en 1936, et qui ne cesse de s’y manifester. Certaines de ces couvertures exposées de manière permanente dans sa maison de Portlligat, Cadaqués, à l’intérieur d’une garde-robe aux armoires tapissées d’images de l’artiste - où Gala joue aussi un rôle prépondérant - constituent désormais une des œuvres d’art de la maison-biographie de Dalí, dont la présence se perpétuera dans le regard des visiteurs au fil du temps.
3. Domaines
Animés de la volonté de refléter ces intenses et véhémentes interventions de Dalí dans la presse écrite, qu’il utilisera par ailleurs pour consolider l’image de l’artiste qu’il a édifiée lui-même, nous présentons cette exposition en suivant la structure des revues, à commencer par les couvertures, puis en passant aux articles intérieurs et aux annonces publicitaires, pour terminer par la conception totale, le Dali News. Nous avons structuré l’exposition en plusieurs chapitres qui offrent une vision complète de la relation de Dalí avec les publications périodiques :
1. Couvertures dessinées par Dalí :
· Couvertures avec une reproduction d’œuvre de Dalí
· Couvertures avec le personnage de Dalí
2. Articles illustrés
3. Annonces publicitaires
4. Vers la conception totale : Dali News et Vogué
5. Interventions sur manuscrits et textes de revues
6. Collages
7. Bandes dessinées dans lesquelles Dalí et son œuvre apparaissent
À cet égard, les paroles du photographe Philippe Halsman synthétisent cette présence : « Dalí est un surréaliste. Ceci dit, son œuvre la plus surréaliste est lui-même ». C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre son intervention dans le monde des revues, surtout dans les années 40. Quant à son apparition, ou celle de son œuvre - en particulier les fameuses montres molles -, dans de nombreuses bandes dessinées, si elle n’est pas dénuée d’ironie, plus ou moins bienveillante, elle n’en est pas moins toujours la marque d’une gloire déjà indiscutable.