Nouvelles. Le Théâtre-Musée Dalí rouvre avec une exposition sur le Surréalisme

Figueres, l'11 Juillet 2020

Le Théâtre-Musée Dalí de Figueres a rouvert ses portes après 4 mois de fermeture à cause de la pandémie. On peut y voir une nouvelle exposition temporaire Dalí : le surréalisme, c'est moi !" Paysages hors du temps, qui réunisse pour la première fois douze œuvres de la période surréaliste. La Fondation Dalí les a présentées de la main de Montse Aguer, directrice des Musées Dalí et commissaire de l'exposition, et de Carme Ruiz, curatrice en chef et commissaire adjointe. Il s'agit d'onze huiles de l'année 1926 jusqu'au 1937, ainsi que de Poésie d'Amérique (1943) qui montre comment les traits surréalistes perdurent en l'œuvre postérieur de l'artiste.

Ce sont des toiles, des cartons et des bois d'exécution minutieuse qui nous donnent une bonne idée de la contribution de Salvador Dalí au mouvement Surréaliste. À cause de son importance se sont les œuvres les plus requêtées dans des expositions internationales comme celle de la Russie, du Japon ou de l'Australie et c'est pour cette raison qu'elles n'ont jamais été montrées ensemble.

Rébellion, liberté et méthode paranoïaque-critique

« Le surréalisme, c'est moi !». Cette formule de Dalí s'est révélée prophétique : Dalí est devenu le plus célèbre et le plus admiré des surréalistes et son iconographie fait, depuis longtemps déjà, partie de l'imaginaire collectif. Dalí incarne la transgression, la liberté, la révolte, la capacité à gommer les frontières entre l'art et la réalité quotidienne. Dans le domaine artistique, il est également connu pour être le créateur de la méthode paranoïaque-critique.

Une méthode irrationnelle de connaissance de la réalité qui utilise les images doubles, ou invisibles, et renvoie aux phénomènes de perception ou d'interprétation de la réalité, une réalité plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Par ailleurs, les paysages qui sont les siens, qui le caractérisent et constituent des références constantes et éternelles de son œuvre, sont eux aussi devenus universels. Ils lui permettent, d'une part, de traduire son imaginaire surréaliste en termes visuels et, d'autre part, d'intensifier la fonction symbolique des images pour rechercher une réalité plus profonde. Le surréalisme est consubstantiel à l'identité même de Salvador Dalí, qui écrit : « La condition humaine est définie par l'énigme et le simulacre, corollaires de ces données vitales : instinct sexuel, conscience de la mort, mélancolie physique engendrée par la notion d'espace-temps », une énigme et des simulacres qu'il inscrit, de façon poétique ou objective, dans ses paysages surréalistes.

Le paysage comme lien

Les paysages daliniens expriment la nature même de son surréalisme, qu'il définit en ces termes, reprenant les propres mots d'André Breton : « Surréalisme : automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Ces Paysages hors du temps s'ouvrent sur Homme à la tête pleine de nuages. Dans cette œuvre métaphorique, un homme se confond avec le paysage et le ciel, offrant ici une symbiose homme-paysage ouverte vers l'extérieur. Elle transforme l'inconscient en une réalité tangible et précise, marquée par un chromatisme tout particulier qui renvoie au rêve ou à l'hallucination. Dalí lui-même s'identifie au paysage, qui entre en symbiose avec lui et qu'il revendique de façon systématique. Il déclare même : « Je suis persuadé d'être le Cap de Creus lui-même - d'incarner le noyau vivant de ce paysage ». C'est un paysage aride et minéral, aux horizons découpés, aux ciels clairs, parfois peuplés de nuages ​​qui ressemblent à ceux d'Andrea Mantegna. Un paysage habité d'éléments énigmatiques et ouvert à de multiples interprétations. Un paysage chargé de références à l'histoire de la peinture, à des peintres comme Jan Vermeer, Diego Velázquez ou à des contemporains comme Giorgio de Chirico ou encore, sur un autre plan, à Yves Tanguy ou René Magritte.

À travers les douze tableaux présentés dans cette exposition (qui datent de 1926 à 1943), nous avons souhaité mettre l'accent sur les « éléments énigmatiques » et sur les paysages qui rendent les œuvres de Salvador Dalí si singulières et participent de leur capacité à éveiller la curiosité des spectateurs et à les provoquer. On parlera de perspectives, d'ombres longilignes, de visible et d'invisible, de dur et de mou, de cyprès, d'objets surréalistes fétichistes, de spectres et de fantômes, de Freud et de la psychanalyse, de la perception et de l'art de savoir regarder ; on parlera de lectures ouvertes, aux significations multiples qui, au bout du compte, requièrent toujours le regard et la participation du spectateur pour finir de s'élaborer.

Poésie d'Amérique

Ce surréalisme, il ne l'abandonnera jamais. Même quand, aux années 40, il dit vouloir devenir classique et se déclare « capable de poursuivre la conquête de l'irrationnel en devenant tout simplement classique et de reprendre les recherches sur la Divina Proportione, interrompues depuis la Renaissance ». Ses nouvelles créations, sans faire fi de la pensée qui est la sienne, se nourrissent des préceptes de la Renaissance. Poésie d'Amérique, exécutée durant son exil aux États-Unis, est un bon exemple de cette influence, car le surréalisme de Dalí s'y teinte de classicisme et la géologie du Cap de Creus se confond avec celle des grands déserts américains. Une tour symbolique, souvenir de l'enfance, marque la perspective de cette composition.

Souvenons-nous des mots d'André Breton : « C'est peut-être, avec Dali, la première fois que s'ouvrent toutes grandes les fenêtres mentales... ». Ils nous aident à nous plonger dans le surréalisme de Dalí qui rejoignit officiellement ce mouvement en 1929 et qu'il contribua à enrichir d'une nouvelle vision et d'un nouveau dynamisme.

Montage

L'exposition se tient à la Salle des Loggias du Théâtre-Musée Dalí de Figueres. Le montage est responsabilité du département Conservation et Restauration avec la collaboration de Pep Canaleta de 3carme33. Le graphisme est d'Alex Gifreu.